L'araignée de glace
sur Asmodée au format (159 Ko)
Medico, 1666. La tisseuse à la fourrure de velours bleu nuit avait élu domicile près de la grande fenêtre de la chambre. Immobile au milieu d'un piège semblable à un flocon de neige, elle guettait, patiente, les proies imprudentes qui finiraient immanquablement par se prendre dans ses rets. Le reflet d'un rayon de soleil joua quelques instants sur le pelage de la créature, la parant de l'éclat d'un saphir. Un papillon aux ailes multicolores se posa délicatement sur la toile, tenta de repartir ...Contient : et de (15)(...) Un papillon aux ailes multicolores se posa délicatement sur la toile, tenta de repartir, s'englua dans les fils de soie, battit lamentablement des ailes et l'araignée bondit sur lui. « Le jeu de l'amouret dela mort », pensa Sandra en baissant les yeux. L'éternelle rivalité entre les Streghe et les courtisanes. (...)
Il mourut peu de temps après la naissance de la seconde, d'une maladie aussi étrange que virulente et laissa la comtessa seule bénéficiaire de ses terreset deses biens. Un frisson glacé remonta dans l'échine de la jeune femme. « Elle l'a empoisonné. Et que me réserve-t-elle, à moi ? (...)
« Je vois. J'en déduis, à votre ton, qu'il vous semble agréable et charmant. - Flavio est... » Rouge de honteet deconfusion, elle s'interrompit et porta la main à ses lèvres. « Pardonnez-moi, Sandra, je... je suis désolée. (...)
On disait aussi qu'il était fiancé, mais également très populaire auprès des courtisanes... Je l'ai revu une seconde fois, alors que je passais sur un pont. Ce jour là, il était au bras de l'une d'entre elles, masquée de perleset deplumes et entouré de plusieurs compagnons. J'aurais tant aimé être à la place de cette femme ! (...)
On ne distinguait de ses traits que des ombres mouvantes, qui semblaient être faites de l'essence même des ténèbres. Entre ses doigts gantés, elle tenait un carré de tissu noir brodé de vert, de rouge, de bleuet dejaune. La Lachesis eut un geste léger et Iolanda sentit quelque chose s'affaisser en elle. « Ceci est votre vie. (...)
Avouez que ce mariage n'a d'autre dessein que de me voir souffrir et d'humilier un peu plus ma soeur. Avouez tout cela, jurez de ne pas compromettre les noces de Léaet deFlavio et je vous rendrai ceci. » Un sourire malveillant s'inscrivit sur les traits de la comtessa. (...)
Devant lui, se tenait un homme d'une trentaine d'années, vêtu d'un riche pourpoint de soie bleue nuitet develours noir, de chausses de cuir fin, portant une longue rapière ouvragée, marquée du sceau de la famille Falisci, au côté. (...)
Autour des tables se pressaient marins, marchands, spadassins, charpentiers, dans le fond de la pièce, un musicien jouait de vieux airs du pays sur une guitare mal accordée. Une odeur de grillade flottait dans l'air, mélangée à celles, moins agréables, de l'alcoolet dela sueur. Ce n'était pas un établissement très propre, ni nécessairement bien fréquenté, mais au moins, personne ne lui posait de question sur les marques qu'elle portait sur ses bras et son cou, ni sur la large cicatrice qui barrait sa tempe gauche. (...)
Un peu ivres, certes, mais supérieurs en nombre et plus expérimentés. « Tu f'rais mieux d'enl'ver tout d'suite tes frusqueset deranger ton joujou ! » ricana l'un des autres criminels. Pour toute réponse, elle se mit en garde. (...)
Elle était assise en face de lui et le dévisageait sans rien dire, les lèvres serrées, ses grands yeux voilés par un mélange de peuret detristesse. Une longue cicatrice courait le long d'une de ses tempes, des dizaines d'autres, presque imperceptibles, recouvraient sa gorge et ses membres. (...)
En une nuit, j'ai perdu mon petit garçon, ma femme a révélé, devant un parterre estomaqué de gentilshommeset decourtisanes, qu'elle n'était qu'une senzavista et m'avait berné depuis le début - sous votre influence, bien entendu - et s'est plongé une dague dans le coeur après avoir craché tout son venin et tué son propre fils - Mais pourquoi ? (...)
Elle m'a parlé d'une conspiration, de la malveillance d'une sorcière avide de puissance, d'une meurtrièreet dela promesse arrachée à une enfant trop naïve, mais assurément pas d'un « serment sacré ». » cracha Flavio. (...)
Une peur sourde s'immisça en elle, elle frissonna et détourna les yeux. « Ce qui a été tissé, je ne puis le défaire. » dit-elle enfin. «Et devotre destinée je ne suis et ne peux être maîtresse. » Elle se tut quelques instants, pressant instinctivement l'araignée de cristal contre son coeur. (...)
» coupa Flavio avec cynisme. « Les capacités des Streghe permettent de voir les liens entre les personnes.Et decomprendre beaucoup de choses. Elle tenta de me faire assassiner alors que j'avais à peine dix ans. (...)
» La Lachesis eut un sourire triste. « Il y a une chose que ma mère ne pouvait prévoir. C'était qu'en me privant à jamais du pouvoiret del'amour, elle m'offrait l'occasion d'être enfin moi-même. » Flavio se leva et se posta à son tour à la fenêtre. (...)